Mona marchait d'un pas rapide dans les couloirs du quatrième étage. Les bras chargés de livres, elle ne voyait plus vraiment où elle allait et avait failli à plusieurs reprises déjà entrer violemment en collision avec d'autres élèves. Elle s'engouffra dans la bibliothèque qu'elle connaissait si bien à force d'y passer des heures, et laissa tomber plus qu'elle ne déposa les ouvrages sur le bureau de la bibliothécaire, à qui elle accorda un sourire rapide.

Elle passa une mèche de cheveux bruns, qui s'étaient échappés de sa tresse, derrière son oreille et observa les lieux. Elle huma l'odeur des vieux livres aux pages jaunies avec délice et avança d'un pas tranquille dans les rayonnages. Pour une fois, la Serdaigle était à jour dans ses devoirs - certainement pas pour très longtemps, cependant - et elle songea avec un soupir que cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas lu un livre pour elle - et non pour un quelconque parchemin.

Discrète et veillant à n'importuner personne parmi les élèves qui travaillaient dans les lieux, la métamorphomage sillonna les allées entre les étagères ô si chargées, jusqu'à ce qu'un détail attire son attention.
A son uniforme, elle reconnut l'élève, plus âgée qu'elle, en tant que Gryffondor. Elle avait de longs cheveux blonds qui masquaient un peu son visage alors qu'elle était penchée sur son livre et son apparence générale rappelait légèrement celle des Vélanes à Mona. Tout était grâce et douceur dans son attitude, jusqu'à sa respiration posée, et la brunette sentit ses joues légèrement rosir.
Mais ce n'était pas ça qui avait attiré son attention, non non ; l'élève en question lisait un livre en norvégien.
Ce livre, Mona était déjà tombée dessus quelques années auparavant, en troisième année peut-être ? Elle ne se souvenait plus vraiment. Toujours était-il qu'elle avait été agréablement surprise de trouver un ouvrage dans la langue de sa chère mamma, et la surprise se renouvelait en ce jour en le voyant dans les mains de quelqu'un d'autre.

Ne se rendant pas compte qu'elle avait fixé la blonde tout ce temps, lorsque la paire d'yeux bleu iceberg se posa sur elle, Mona rougit, embarrassée, et elle se maudit intérieurement lorsqu'elle sentit ses yeux lui picoter - ils avaient encore changé de couleur à cause de son don, elle était tellement transparente que c'en était désespérant.
Les prunelles rosies par la honte d'être prise sur le fait - et puis il fallait bien l'avouer, l'élève de Gryffondor était plutôt agréable à regarder - la jeune métamorphomage balbutia quelques mots avec un sourire timide :

- Hm, désolée, je...J'aime beaucoup ce livre. Tu...tu parles norvégien ?

Une norvégienne ! Une vraie ! Une vraie norvégienne, à Poudlard, face à elle !
Mona se sentait d'humeur à sauter sur place ou à faire une danse de la joie tant elle était ravie, mais elle ne s'autorisait ce genre d'effusion qu'en présence de Laurelin - et puis, s'agiter comme une demeurée en pleine bibliothèque face à une septième année n'était peut-être pas la décision la plus judicieuse qui soit.
Elle avait entendu son fort accent qu'elle aurait reconnu entre mille - sa mère avait le même - et elle ne put s'empêcher de sourire comme une démente.

- Freja Ljungstrand..., répéta-t-elle doucement.

Ca sonnait bien, ça roulait sur la langue. Mona avait peu d'occasions de parler norvégien et bien qu'elle n'aie aucun souci à le comprendre, s'exprimer s'avérait de ce fait plus compliqué. Ce simple nom aux sonorités familières éveilla chez elle plein de souvenirs avec sa mamma, ainsi que certains de ses ratés linguistiques mémorables.
Elle secoua la tête pour chasser ces images et se reconcentrer sur la situation actuelle et surtout la jolie Gryffondor.

- Je m'appelle Mona Swann, je suis en cinquième année à Serdaigle, se présenta-t-elle en lissant distraitement quelques mèches rebelles de sa tresse du bout des doigts. Enfin, je suppose que cela se devine aisément, ahah.

Elle désigna la place à côté de la blonde et demanda plus par politesse qu'autre chose :

- Je peux ? Merci.

Et sur ces mots, elle s'assit - rester debout lui semblait un peu incongru - et elle jeta un rapide coup d'oeil au livre à présent fermé. La Serdaigle regarda d'un regard doré intéressé Freja et son attitude posée, presque passive, et se dit qu'il était presque de son devoir de faire la conversation.

- J'aime beaucoup la partie qui traite des sirènes et celle qui parle des huldra. Et toi ?

Elle se gifla mentalement pour ne pas avoir trouvé plus original. Mais bon, la Gryffondor, contrairement à Mona, ne semblait pas bavarde, aussi avait-elle préféré évoquer un sujet qui l'intéresserait sûrement....
Avec un peu de chance.

Mona sentit une certaine fierté en voyant la Gryffondor lui sourire.
Elle adorait les sourires, surtout lorsqu'elle en était la cause - enfin, plus ou moins. Il lui semblait marquer légèrement l'esprit des gens lorsqu'elle parvenait à leur en arracher un, et cela n'était pas pour lui déplaire.

La métamorphomage n'oserait pas l'avouer mais elle entendit plus qu'elle n'écouta ce que Freja avait à dire, tant elle était concentrée sur le sourire de la jeune fille. Ses cheveux viraient lentement mais sûrement au rose, comme elle pouvait le constater grâce à la tresse qui reposait sur une de ses épaules, et c'est en rougissant follement qu'elle se mit une gifle mentale - mais qu'est-ce qu'elle faisait ? Ce n'était absolument pas poli de partir dans ses rêveries et de changer de couleur ainsi, et Mona espérait sincèrement que la blonde n'avait rien remarqué.

- Snakker du norsk?

Elle sursauta, un peu perdue, soudainement. La bonne nouvelle était que visiblement, Freja n'avait pas fait cas de sa déconnexion mentale ; la mauvaise était que Mona parlait le norvégien comme une vache espagnole.
Salsa, tequila corazon cerveza muy bueno

Elle réfléchit quelques instants ; a priori, pondre une phrase simple n'impliquait pas trop de risques de se planter, mais elle pratiquait peu le norvégien, d'autant plus que sa mère était bien moins bavarde depuis le décès de son père.

- Ja, men...

Elle tripota sa cravate nerveusement, à la recherche de ces mots si lointains mais familiers. Comment était-ce possible d'autant galérer sur une langue que l'on entend depuis l'enfance ?

"Allez, Mona, tu n'es pas une débile non plus", se fustigea-t-elle intérieurement, ses cheveux virant à un bleu foncé concentré.

- Jeg forstår bedre enn jeg snakker det...

Elle lui offrit un sourire penaud en espérant que la communication s'était faite, puis réalisant qu'elle avait encore joué les lucioles de la tête, elle attrapa nerveusement le bout de sa tresse en se focalisant sur ses cheveux pour leur redonner une couleur brune plus naturelle.
Oh, quel boulet elle était...