- Caroline ! Ce café est vraiment infect, il est tellement léger, on croirait boire du thé ! Vas m'en faire un autre, je t'en prie !
L'acquiescement et les excuses discrètes de la dénommée Caroline furent couverts par une toux grasse infect, qui répugna Edith au plus haut point. Elle savourait sa boisson, distante : personne ne faisait attention à elle, de toute manière.
- Elle pourrait s'excuser, au moins ! Non mais vous l'avez recruté où le personnel ? A la sortie de prison ?
- Enfin, Maurice ! Vu l'heure, les usages veulent qu'on serve du thé et non du café, cette pauvre enfant n'a fait que son travail. Tenta sa mère pour l'apaiser, en vain.
- Je me fou des usages ! Répliqua-t-il.
Protestations. Cigare. Nouvelle toux grasse. Café. Cigare. Enfin, il parti, et toute la maisonnée fût soulagée.
Maurice, c'était son oncle : l'habitude voulait qu'il vienne, à un rythme d’à peu près une fois par mois, déjeuner à la maison. Cependant, les uns comme les autres redoutaient ces repas. L'oncle, mal  élevé, grossier, pédant, répugnant, était à l'antithèse de tous les autres membres de la famille. Il refusait systématiquement d'admettre ses torts et voulait que la réalité soit conforme à ses espérances : c'est sans doute pourquoi il persistait à traiter Caroline, la femme de ménage, comme sa servante, lorsque cette dernière à le malheur d'avoir des heures de travail en même temps que les dits repas.

Contrairement aux apparences, et malgré les efforts de Maurice, les Fawkes n'étaient jamais resté qu'une famille de seconde importance, dirigeant des commerces d'importance mineure en Angleterre grâce à leurs talents pour la métamorphose et les potions. Alors quand ce dernier venait, on sortait l'argenterie et les plus fines pâtisseries, on festoyait comme chez les riches – mais Edith savait que tout ça n'était qu'un écran de fumé, un petit tour savamment orchestré   pour éviter les remarques de ce dernier. Il lui arrivait même souvent de se demander pourquoi préparer des plats de manière aussi esthétique, alors qu'ils finiraient de toute façon partiellement émiettés dans la moustache de son Oncle. Dans sa tête, il lui était impossible qu'il puisse un jour y avoir un autre Maurice dans la famille – alors, en attachant ses boucles d'oreilles des grandes occasions, il lui arrivait de penser qu'un jour, elle serait importante. Son esprit divaguait alors dans des méandres parfumés où elle s'imaginait portant les plus beaux tissus, dont elle ne pouvait qu'imaginer la texture. Bien souvent, c'était Edgar, son grand duc, qui la ramenait à la réalité avec ses hululements perçants.

C'est lors d'une de ces journées plutôt moroses, alors qu'elle s'adonnait à ces mêmes rêveries, qu'un bruit la réveilla -c'était sa mère, qui entrait à fracas dans sa chambre, suivie de près par son père. Dans leurs mains, une lettre. Ils n'avaient même pas encore ouvert la bouche qu'Edith comprit. Et tandis que pendant tout le repas, on se demanda dans quelle maison leur « grande fille » atterrirait (sera-t-elle une Serdaigle, comme sa mère ? Ou bien fera-t-elle honneur à l'héritage familial en allant à Serpentard?), la principale intéressé rêvait déjà aux breuvages étranges qu'elle pourrait préparer à l'intention de ce cher Maurice en rentrant des cours.

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